HOMO SPECTATOR ou l'homme qui a vu son image
HOMO SPECTATOR ou l'homme qui a vu son image
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L’ Homo spectator, de Marie-Josée MONDZAIN , éd. Bayard.
Sur la couverture du livre , une main préhistorique en négatif.
Je ne sais plus de quelle grotte elle est tirée : les mains, négatives ou positives, existent dans de très nombreuses grottes ( Sahara, Borneo, Bush australien, Patagonie argentine, et en France : grottes COSQUER (2) et grotte de GARGAS ( 3) notamment pour lesquelles elles sont attribuées au gravettien càd environ -27.000 ans avant le présent ).
J’ai eu le livre en main lors de sa parution, mais ne l’ai pas acheté car je me suis rendu compte que la partie de l’ouvrage consacrée au dessin préhistorique, à l’origine du dessin et de la peinture, était assez réduite et que le propos du livre dépassait largement le cadre de la question de la naissance de la peinture.
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Grotte CHAUVET – main négative
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50x50- 13 aout 09 - huile s/toile - JVL
Un ami m’a récemment envoyé un large extrait de l’ouvrage, celui-là même qui traite de la naissance de la peinture. J’ai donc pu le lire.
Philosophe, directrice de recherche au CNRS, membre du centre Marcel Mauss de l’EHESS Paris, Marie-José Mondzain développe depuis des années une réflexion sur les différents régimes de l’image dans divers contextes historiques.
D’où l’essentielle et passionnante question de ses origines.
Homo spectator, c'est l'homme qui le premier, dans l'obscurité d'une caverne, a inscrit une trace hors de lui, écrit l’éditeur dans la présentation du livre.
PAIR NON PAIR ( Gironde ) a été gravé à la lumière du jour fournie par un oculus au-dessus des gravures aurignaciennes ( de -33 à – 26. Avant JC, soit de -35 à – 28. du présent ).
A l’entrée de la grotte HORNO DE LA PENA ( Cantabria ) se trouve un cheval gravé datant du paléolithique , gravé à la lumière du jour.
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50x50 - 5 juin 2009 - huile s/toile - JVL
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50x50-6 juin 2009 - huile s/toile - JVL
Dans le cadre de l’examen que va tenter MONDZAIN de la question de la naissance du dessin et de la peinture , la seule hypothèse qu’elle retiendra est celle de l’homme , pour ce faire, s’enfonçant dans les ténèbres de la grotte ( p. 26 )
Elle ajoute ( ibid.) ces lieux sont choisis pour les images et souvent pour le culte des morts.
- L’homme dans les entrailles de la terre : on comprend que cette image est nécessaire à MONDZAIN, pour ce que cela va lui permettre d’en tirer, mais cette image comme la seule qui a pu permettre le dessin ou la représentation, est erronnée.
L’ idée de sanctuaire profond comme seul lieu des premières représentations humaines , séduisante évidemment parce qu’il y a les ténébres, la matrice etc… est une thèse qui a dû être abandonnée récemment avec la découverte de sanctuaires paléolithiques en plein air ( Foz Coa au Portugal ) .
Il n’en reste pas moins vrai que des peintures ont été faites dans des sanctuaires profonds mais ceux-ci n’ont pas l’exclusivité dont le caractère – erroné malheureusement – plaît tant à l’auteure.
- ces lieux sont choisis pour les images et souvent pour le culte des morts : non, les grottes ornées, sanctuaires profonds, n’ont pas servis, du moins au paléolithique, pour le culte des morts.
- Le dessin des mains comme premier dessin de l’humanité : c’est l’hypothèse que MONDZAIN retient du moins implicitement.
Je suis moi-même à la recherche de ce qui a bien pu être la première représentation ou dessin fait par l’homme.
Les seules traces que l’on connaît sont celles présentes sur les parois ( les plus anciennes : env. -34.000 ans sur base de la science actuelle ) , mais rien n’indique que ce serait la représentation sur paroi ( 1 ) qui serait la première manifestation de ce genre , et rien ne permet non plus d’affirmer que représentations de mains serait la première manifestation. Par exemple, les mains négatives de GARGAS ou de COSQUER sont datées du gravetien, soit env. -27.000 avant le présent, alors que, par exemple, les datations effectuées en 1995 dans la grotte CHAUVET révèlent que certains dessins remontent à – 32.400 .
Il paraît donc certain , au stade des découvertes actuelles, que les mains négatives ou positives, ne constituent pas la première représentation réalisée par l’homme.
- L’utilisation de pigments mis en bouche et soufflés et projetés sur la paroi :
là aussi, on comprend combien l’auteur aime cette image ( en soi pas inexacte , car il est vraisemblable que ce procédé a été utilisé ) pour tout le parti qu’elle va pouvoir en tirer. Deux critiques historiques : il n’est pas absolument certain ( mais seulement hautement probable ) que cette technique ait bien été utilisée ; plus certaine paraît la technique utilisant la bouche mais seulement pour le souffle qu’elle produit dans une espèce de paille qui envoie l’air sur les pigments lesquels atterrissent sur la paroi. Ne parler que de la technique du pigment dans la bouche , semble bien là aussi privilégier une hypothèse pour tout le suc qu’elle contient , mais au détriment de la vérité historique ( laquelle n’est du reste pas fixée ).
- La différenciation sexuelle dans la représentation :
j’ai vu de mes yeux en de nombreux endroits ce que les guides appellent des dessins vulvaires, ou mieux encore ( grotte des Combarelles ) la gravure d’un triangle percé en quelque sorte par un double trait : aucun doute pour le guide, qui le tient de paléontologues, il s’agit-là d’un dessin vulvaire et d’un pénis le pénétrant.
Je suis toujours resté assez sceptique sur l’attribution formelle donnée par la plupart de ce qu’il s’agissait bien de représentation d’organes tantôt féminins, tantôt masculins.
Quand on voit, à travers l’Europe, la diversité et la richesse des signes ( aviformes, tectiformes , campaniformes …etc : pour les classer - puisqu’il faut classer, nommer, énumérer.. ! - on leur a attribué des parentés avec quelque chose de connu : un oiseau, un toit, une cloche… etc ), de signes totalement incompréhensibles, genre de rateau, de rectangle avec traits divers, de traits plus ou moins rangés en séquences, de ponctuations - quand on voit donc la diversité et la richesse des signes dessinés sur les parois ( début d’un certain langage écrit ? ) , il me paraît audacieux d’ affirmer , face à une espèce de triangle barré verticalement par un trait, qu’il s’agit là de la représentation du sexe féminin.
Mme MONDZAIN, qui n’est ni historienne, qui délaisse la critique historique, qui n’est pas paléontologue, mais qui est philosophe – et c’est heureux -, utilise donc pour sa brillante monstration des éléments qu’elle tient définitivement pour simplement avérés, alors qu’ils ne le sont pas et se voient pour certains régulièrement remis en cause par exemple par de nouvelles découvertes archéologiques -.
Et lorsque l’on se rend compte de cela, on éprouve une certaine méfiance à l’égard d’une auteur et d’un texte construit comme pour le plaisir de son auteure qui a trouvé dans la préhistoire des éléments dont elle a bien senti avant même de les organiser entre eux comme elle le fait, qu’ils allaient magnifiquement la servir.
Voilà donc ce qui gâche mon plaisir face à un texte qui va loin dans l’analyse, et qui reste pertinent sur l’essentiel ( « … mais vient alors le troisième acte : l’acte décisif : c’est le geste de retrait.Il faut que la main se retire. Le corps se sépare de son appui.Mais ce n’est pas sa main maculée de pigments que ml’honne regarde car apparaît devant les yeux l’image, son image, telle qu’il peut la voir parce que sa main n’est plus là (…) Se retirer pour produire son image et la donner à voir aux yeux comme une trace vivante mais séparée de soi - ibid.p.29 ) malgré la coupable faiblesse qu’a eue son auteure qui a monté une belle construction ( comme telle, elle reste belle – mais cela s’apparente alors plus à exercice de style ) sur des bases malheureusement mouvantes et, pour certaines, inexactes…
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Commentaires
Je voudrais appene et juste le nom et le prénom de celui qui a dessiné(e) le premier homme