Kadhafi, la France et l'Espagne
Kadhafi, la France et l'Espagne
Les trois cages
La visite officielle de 5 jours de Kadhafi en France a déchainé l’opinion publique et a soulevé un exceptionnel et rassurant tollé médiatique.
Par exemple, quatre-vingt pour cents des français approuvaient les propos de la Secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme Rama Yade laquelle avait notamment déclaré que la France n’était pas un paillasson où pouvait venir un tyran s’essuyer les pieds du sang qu’il portait des crimes qu’il avait commis.
Quittant la France, Kadhafi a gagné l’Espagne pour une visite officielle de 4 jours.
Nous sommes lundi, au 3ème jour de sa visite : il a été reçu par le Roi Juan Carlos et la Reine, puis par Zapatero. A Madrid, il va recevoir les clefs de la ville ; samedi , il était à Séville pour une visite privée, et, à Malaga, ville qui n’était pas dit laconiquement la Presse prévue dans l’itinéraire officiel au départ, il a tellement apprécié un concert flamenco qu’il en tapait dans les mains. Ces informations, au mot près, je les retire à l’instant d’EL PAIS qui évoque tout cela sous un titre en petit caractère, la une étant occupée par des problèmes internes ( le PSOE et l’avortement ) et aussi par des choses diverses comme cette série arabe qui triomphe en prime time à la TV israélienne.
Rien d’autre : pas de propos critiques, pas de réactions des lecteurs.
Comment est-il possible que dans le même temps deux pays, tous deux démocratiques et attachés aux Droits de l’Homme ( même si la France possède sur sa vosine une histoire, et donc une culture et une tradition beaucoup plus anciennes et donc en principe beaucoup plus fortes ), comment donc est-il imaginable que, au même moment, dans des pays voisins qui partagent le même souci de défense des Droits de l’Homme et les mêmes valeurs démocratiques, comment donc peut-on traiter aussi différemment le même phénomène – la France quasi soulevée tout entière pour refuser à un tyran sanguinaire les honneurs de la république, et l’Espagne pour rester totalement inerte - la royauté, la classe politique, les responsables de tous bords, l’opinion publique - lui rendre les honneurs du Pays tout entier ?
Pour expliquer en France l’injustifiable, la Presse s’était fait l’écho de thèses invraisemblables, comme celle prétendant que le si long, si fastueux , si douloureux séjour de Kadhafi en France avait été imposé par lui comme condition à la libération zooroesque par Sarkozy des infirmères bulgares.
Zapatero n’a délivré personne que je sache, le Roi non plus, et pourtant il est là…à battre des mains dans la nuit malaguénienne, à recevoir les clefs de la Ville de Madrid, dans le silence paisible d’un consensus surréel.
Que des raisons d’état ( quelle horreur ! ) aient dans les deux cas commandé cette présence et aient permis de lui donner le change – ou je ne sais quel échange - , nous ne pouvons rien y faire que nous révolter et le dire, sur tous les tons imaginables, comme la France vient de le faire…mais qu’une Presse indépendante comme celle qui existe en Espagne, El Pais surtout, et à sa suite ou en même temps la classe politique qui ne peut approuver l’invitation du gouvernement en place, et tous ceux pour qui valeurs démocratiques et droits de l'homme veulent dire quelque chose - bref, que tout ce monde fasse silence devant l’évènement me laisse absolument pantois.
Est-ce que finalement la colère de la France des Droits de l’Homme n’était pas en définitive avant tout un prétexte pour pouvoir railler Sarkozy, et s’intéressait à défendre les valeurs bafouées par son hôte que très secondairement ?
Si c’est cela, toute cette misère est encore plus grande !
Je parlais ci-dessus du silence de l’opposition en Espagne. Ce n’est pas totalement vrai : le PP a fait ce lundi une déclaration. Je la cite in extenso, telle que publiée par El Païs :
« El portavoz del PP en la Comisión de Asuntos Exteriores del Congreso, Gustavo de Arístegui, ha afirmado que no se puede comparar a dictadores como Sadam Husein con el dirigente libio, Muamar Gadafi, ya que, en este caso, el primero fue "responsable de cientos de miles de muertos" y el otro "es responsable de miles".
Je ne comprends pas très bien, et j’ose croire que c’est du second degré .