La bouche de VERONIQUE, selon El GRECO

La bouche de VERONIQUE, selon El GRECO

 

 

 

 

.

 

 

 

 

 

 

 

.

LA  BOUCHE   DE   VERONIQUE  version   LE  GRECO

 

 

El GRECO

aux Beaux-Arts à Bruxelles

jusqu’au 9 mai  2010.

_______________________________________________

 

 

 

 

Traversez les premières salles, vous arrivez devant Véronique tenant le linge dont elle vient d’essuyer le Christ montant au lieu de son supplice,  et sur lequel la sainte face s’est imprimée.

 

Ce tableau vient du Museo de El GRECO à Toledo. 

 

Il est accroché seul sur un panneau, à bonne hauteur, c’est-à-dire, même si vous n’êtes pas  très grand, à hauteur d’yeux.

 

Attendez qu’il n’y ait pas d’autres visiteurs pour pouvoir vous en approcher  et l’accaparer pendant quelques instants, ce qui n’est pas impossible si vous évitez les heures  de pointe entre 14 et 16H.

 

Ce tableau date de 158O environ    , Le Greco avait donc  une quarantaine d’années  quand il le peignit.

 Le voile de Véronique vers 1580, huile sur toile (c)Toledo, Museo de Santa Cruz .

 .

 

 

 

 

 

A raison, on met en évidence le modernisme  - l’expressionisme – du Greco en parlant notamment  de sa série L’APOSTOLAT dont la meilleure, celle du Museo de El GRECO  de Toledo, est  justement à Bruxelles pour le moment.  Douze apôtre moins un ( St Matthieu que Greco n’a pas joint )  plus un (  saint Paul, qui ne fut pas Apôtre mais que Greco ajouta ), plus le Christ.

Il s’agit là de tableaux exécutés vers  1610 – 1614 soit à la fin de la vie du Greco ( + 1614 ).

Deux tableaux ( outre Le Christ )  de cette série son terminés : Saint Paul et Sainte Pierre.

Passons.

Attardons-nous plutôt sur ceux qui ne sont pas achevés : ébauche rapide à coups de grandes brosses, coups appliqués avec sûreté, justesse et parfaite efficacité.

Les meilleurs exemples que je ne peux malheureusement illustrer ici : mains ou  barbes simplement ébauchées mais parfaitement et comme complètement rendues,  bouches invisibles mais présentes en raison de  l’absence même  de peinture  etc.

Une mauvaise reproduction  quand même :

 

.

 

.

St Mathieu, voyez ses mains – et essayez de voir comment la barbe  très mal reproduite ici, n’est que petite flaque à peine poilue, un nuage de nuage sur fond de toile passée à la terre de sienne …

 

 

°°°

 

Mais revenons à Véronique et à ce tableau de 158O qui vient de Toledo aussi, mais cette fois du Museo de Santa Cruz.

Ah…Toledo !

 

Toute la facture en est soignée, aucun de ces coups de brosse délirants, intattendus, qui peuvent à eux seuls déjà faire  le charme de tant d’œuvres  au sujet religieux si cadenassé.

 

Ce tableau de Véronique passerait pour une œuvre quasi classique  ( si ce n’est le choix des couleurs, une certaine attitude de Véronique  aussi ) s’il n’y avait sa bouche.

 

Approchez du tableau, profitez-en, l’accrochage est bien plus abordable  que dans son Musée d’origine .

Le modelé du menton est parfait, comme est parfait celui  sous le nez jusqu’à la bouche, là où les hommes mettent leur moustache.

 

La bouche aurait pu rester ce qu’elle serait devenue si Greco l’ avait  poursuivie de la façon dont elle commençait : un  trait garance, fin et légèrement   titubant  partant de la commissure et se dirigeant vers l’autre extrémité.

 

 

Lorsque, oh miracle, se produit un petit cataclysme : les lèvres se brouillent, quelqu’un vient de toucher à la peinture encore fraîche avec un petit objet (  peut-être un  enfant qui passait et qui gesticulait avec un bâtonnet au bout du bras dont il toucha le tableau qui séchait  - allez savoir ! ) : on voit nettement le frottis qui vient détruire le dessin : un petit objet de 1 cm, pas plus, actionné sur la toile en un mouvement  diagonal de bas en haut.

Résultat : les lèvres brouillées en leur milieu.

VERMEER  revu   par  Francis BACON.

 

Sauf que le 1er aurait aussitôt corrigé le gâchis, et que le second 

l’aurait amplifié …

 

Qu’a fait Le Greco qui ne peut  PAS ne pas l’avoir vu : il l’a laissé tel quel.

 

Quel culot !

 

Culot…culot…il faut être prudent.

 

A l’occasion des grandes expositions de l’œuvre de ROPS montrées conjointement  dans les années 80  au Bota et aux Beaux-Arts, une critique d’art  habituellement très compétente et écoutée, s’était prise de passion pour une gouache de ROPS intitulée l’Attrapade,  dans laquelle l’attrapé était montré du doigt – un doigt féminin ganté si je me souviens bien – mais que ROPS avait coupé à hauteur du bras si bien qu’un ne voyait dans l’œuvre qu’un doigt pointé sortant d’un  bras  amputé sur le bord gauche de la toile.
Et notre critique de dithyramber sur la modernité et l’audace de ROPS qui avait pris le risque d’une mise en scène fort en avance sur son temps.
En réalité, ce que ne savait cette pourtant réputée et savante critique d’art, c’est qu’ il ressortait d’une correspondance de ROPS a l’un  de ses amis que par accident l’encrier s’était renversé sur le papier et que, dépité, ROPS n’avait  pu rien faire d’autre qu’amputer  son dessin en coupant la partie tachée…

 

 

 

 

.

 

 

 

 

 

 

Commentaires

LIRE TON BLOG, c 'est découvrir l 'art d 'une autre façon....c 'est voir , entrevoir,découvrir, des éléments restés invisibles, imperceptibles ...;c 'est donner envie d'aller beaucoup plus loin dans la connaissance d'une oeuvre, d'un artiste , d'une exposition...par ce que tu en dis, par ce que tu écris....et c 'est un immense plaisir sans cesse renouvelé !( mais stp pas de trop longues interruptions..!)