Le Juge GARZON -

Le Juge GARZON -

 

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Baltasar GARZON – essai de synthèse et de clarification

 

 

Baltazar Garzon est un magistrat originaire d’un petit village andalou.

Juge d'instruction, il est à présent Juge  à  l'Audience Nationale  qui est l'instance suprême en Espagne.

Il est étiquetté de gauche, ayant été Secrétaire d’Etat dans le  Gouvernement de Felipe Gonzalez en 1982 , premier gouvernement de gauche depuis le mort de Franco en 1075 et le début du processus de démocratisation en Espagne.

Autre précision liminaire importante : dans le cadre du processus de démocratisation de l’Espagne, engagé dés après la mort de Franco en 1975, diverses décisions de grâces et  d’amnistie furent prises car la politique était officiellement  t fermement orientée vers un objectif de réconciliation nationale. Ainsi , 3 jours après son couronnement, le Roi Juan Carlos avait gracié tous les délits politiques antérieurs au 22 novembre 1975 au nom de la Paix nationale présentée comme l’objectif majeur de la monarchie ; le 30 juillet 1976 ensuite une loi d’amnistie fut votée concernant pour la 1ère fois des personnalités engagées du côté républicain – le texte de cette loi se référait explicitement à la nécessité d’oublier le conflit. Jugée trop restrictive, cette loi fut remplacée par une nouvelle loi d’amnistie votée par le Congrès des députés tout juste sorti des urnes, le 14 octobre 77. Cette loi est toujours en vigueur bien qu’aujourd’hui, surtout depuis l’arrivée des socialistes  de Zapatero au pouvoir, elle devienne , le temps passant et les objectifs ayant présidé à son avénement s’estompant ( la réconciliation nationale n’est plus un objectif mais actuellement un fait ), de plus en plus critiquée à la fois au nom de la Mémoire historique ( le camp républicain n’arrivant pas à otrenir justice pour les crimes commis à son encontre par le franquisme ) et au nom des Droits de l’Homme et du principe ( aujourd’hui fort développé, mais peu ou pas considéré en 1977 ) de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.

Lorsqu’en 1987, le Juge GARZON s’estima compétent pour instruire une plainte déposée contre les crimes franquistes ( je résume ) , il savait qu’il enfreignait la loi d’amnistie de 1977, mais il espérait arriver àç rendre justice au camp républicain en espérant que puissent triompher, à l’encontre même d’une loi existant, le principe de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.

Ce faisant, le Juge ignorait ouvertement la Loi, décidant en quelque sorte de  lui substituer des  principes dont personne ne songe un instant à dire qu’ils ne sont pas contestables, mais, commettant l’une  des fautes les plus lourdes que puisse commette un juge, agissant ainsi au mépris, entre autres, de la séparation des pouvoirs qui est le pilier de nos démocraties.

C’est en effet au pouvoir législatif qu’il appartient de changer la loi de 1977, et non à un Juge, fût-il Garzon.

Il me paraît assez clair que GARZON a tenté ce coup de force ( louable bien entendu dans les effets qu’il recherchait mais totalement condamnable dans son principe  ) en tablant sur sa popularité, son renom, son image charismatique et médiatique, et comptant sur l’appui des projecteurs de l’opinion publique.

Il s’est rendu compte de son erreur, ou plus exactement il s’est rendu compte que jamais il n’arriverait à réussir son coup de force, quelques mois après avoir ouvert son instruction, et il la referma en 1988.

Plainte est actuellement déposée ( par des associations de droite, cela va sans dire )  contre lui pour prévarication, délit dont en Espagne un Juge peut être accusé quand il a commis une erreur grossière, ou qu’il a ignoré sciemment une loi qui l’empêchait d’agir : il est accusé ainsi d’avoir monté un artifice juridique qui lui a permis d’ ouvrir une enquête sur les disparus de la Guerre Civile, et sur les victimes du franquisme.

Plus de deux cents organisations de défense des droits de l'homme et des juristes du monde entier, dont l'ex-procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie Carla del Ponte, ont récemment signé une lettre de soutien au juge Garzon. Ils ont rappelé que le Comité des droits de l'homme de l'ONU avait demandé en 2008 à l'Espagne d'abroger sa loi d'amnistie post-franquiste et de "garantir le caractère imprescriptible des crimes de lèse-humanité". Les "disparitions forcées" sur lesquelles portait l'enquête de Baltasar Garzon sont des crimes "qui ne peuvent être prescrits ni amnistiés", estimaient-ils.  -  Journal Le Monde, éd. 7 avril 2010.

En droit pur, sans tenir des circonstances ( mais comment ne pas en tenir compte  ? ) il me paraît évident que le Juge a commis là une faute grave, voire extrêmement grave.
S’il est jugé coupable, il risque dit-on de 10 à 20 ans de suspension.
Mais il y a pire – ou presque - : l’Audience Nationale , qui est le nom en Espagne de la Cour Suprême, dont d’ailleurs GARZON fait d’ailleurs lui-même partie, peut donc, dans le cadre de l’instruction des plaintes contre GARZON dont elle est saisie , suspendre provisoirement celui-ci, pareille mesure d’ordre ou disciplinaire étant du reste habituelle et propre à la plupart des pays : pour des raisons évidentes ( éviter que l’opinion publique ne s’imagine que le judiciaire couvre les siens…)  le Judiciaire suspend habituellement un magistrat lorsqu’une plainte le concernant est en cours.

L'on s'attend, à tous moments ( déclaration de son avocat ) qu'il ne soit effectivement suspendu temporairement en attendant que les plaintes soient jugées.

Ce qu’il faut en outre savoir, c’est qu’il y a au moins deux autres plaintes déposées contre GARZON, et ce dans des domaines qui n’ont plus  rien de politique.

Au cours d’une année sabbatique qu’il avait prise en 2005-2006  je crois ( à vérifier ), GARZON avait donné des cours dans une université de New-York et, selon des journaux français ( LIBERATION et RUE 89 ) avait perçu des indemnités de l’ordre de 300.000 €. Cette somme lui a été payée par la Banque Santander. Or il se fait q’un peu plus tard, GARZON, ayant repris ses activités de Juge d’Instruction, avait classé un dossier concernant le Directeur Général  ou le Président de la Banque  Santander…

Troisième plainte : des écoutes téléphoniques illégales qu’il aurait autorisées dans le cadre de ses enquêtes en cours concernant un vaste dossier de corruption à grande échelle, qui secoue actuellement l’Espagne, mettant en cause des elus du  parti de droite, le PP …

Le quotidien El Pais n'a en tout cas pas hésité vendredi à parler « d'acharnement » pour qualifier les décisions du tribunal suprême sur les trois plaintes qui viseraient, selon son éditorial, à se « débarrasser » du juge-star, apparemment victime aujourd'hui de ses nombreuses inimitiés.

Rue89 – 26 février 2010.

Sans aucun doute peut-on voir derrière tout cela, un règlement de compte politique, mais GARZON, en toutes hypothèses, quelles que fussent admirables les causes qu’il voulait défendre, n’a-t-il pas fourni à ses adversaires ( dont il sait qu’ils sont extrêmement nombreux ) les moyens parfaitement légaux de se débarrasser de lui ? N’ aurait-il pas dû, avant tout, précisément pour pouvoir poursuivre son oeuvre lui qui défend magnifiquement la thèse d’une justice universelle, défendre et s’assurer de la pérennité même de son action, c’est-à-dire avoir le souci essentiel d’être au-dessus de tout reproche possible ? N’avait-il pas, avant toute chose, le devoir de prendre garde, s’il voulait continuer son œuvre de Juge, et éviter à tout prix ( monter au mât sans un trou à son pantalon ) de donner la possibilité que cette œuvre puisse être entravée voire arrêtée ?

C’était assurément en son pouvoir, et il devait le savoir.
aurait cherché à mettre lui-même un terme anticipé à sa carrière, pour  tomber glorieusement sous les balles de l’Institution qu’il servait, qu’il n’aurait pas agi autrement.

 

 

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L’étude la plus claire et la plus complète que j’aie pu lire  sur la transition démocratique en Espagne est celle de Danielle ROSENBERG  in Danielle Rozenberg « Le « pacte d'oubli » de la transition démocratique en Espagne », Politix 2/2006 (n° 74 ), p. 173-188., , disponible sur http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=POX&ID_NUMPUBLIE=POX_074&ID_ARTICLE=POX_074_0173

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SOURCES : la presse dont les journaux Le Soir, le Monde, Libération, Rue 89, El Pais, ABC Diario

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