le ready-made paléolithique d'ARDALES ( Andalousie )

le ready-made paléolithique d'ARDALES ( Andalousie )

J'avais acheté à la librairie bien fournie de Font-de-Gaume, aux Eyzies en Tayac, l'ouvrage de Pascal RAUX " Animisme et arts premiers : Historique et nouvelle lecture de l'art préhistorique ".

Cet ouvrage, avec d’autres achetés également au même endroit, et d’autres encore que j’avais emportés de chez moi, m’ont accompagné dans mon périple franco-espagnol de juillet-aout 2007 dans les grottes et cuevas paleo- et neoliticas.


Tiré de l'ouvrage " Animisme et arts premiers : Historique et nouvelle lecture de l'art préhistorique "
de Pascal Raux, :

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En voyant ce dessin, j'avais été attiré par la particularité des stries présentées comme ce qui donnait toute la particularité et l’intérêt de cette pièce.

Cette phalange se trouve en Andalousie, dans le petit musée communal d'Ardalès lequel est également la billeterie de la fameuse Cueva paleolitica de l’endroit.

ARDALES est un village de la Province de Malaga, à environ 70 km au Nord de celle-ci, dans un paysage exceptionnel ..

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Au Musée, l’unique employée que j’interroge ne connaît pas la phalange, mais en revanche elle est fort intéressée par le livre de P. Raux, qui parle de son musée, de sa Cueva…elle en prend les références, téléphone à son Directeur qui est en vacances mais qu’elle arrive néanmoins à joindre…Le Sr Pedro Cantalejo Duarte lui demande qui je suis, lui explique où se trouve la phalange…Elle est ravie ; elle a trouvé. A ce moment se joint à nous le guide qui est revenu de la visite de la Cueva ; nous allons tous les trois dans un petit local à l‘arrière, la lumière y est étrange. Elle soulève le couvercle vitré d’un grand présentoir poussiéreux et en retire un socle de plexi où se trouve la merveille que je devine…Il y a en réalité deux phalanges, côte à côte, sous une eptite cloche de verre. L’employée me dit que je suis autorisé à prendre des photos ; elle s’avise que les reflets vont me gêner et enlève la petite cloche de verre les phalanges, dressées sur le petit socle de plexi, sont à l’air lire, mais la lumière est mauvaise, l‘employée prend en mains les reliques, se promène avec elles en une courte procession dans le local à la recherche d’un coin plus lumineux, puis les dépose près d’une fenêtre…Je prends des photos, en voici une…

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On voit en effet, à l’horizontale, à peu près à mi-hauteur, partant de gauche et allant vers le centre, la strie principale : énigme…signe de ce que la phalange était utilisée comme instrument de musique ?
Ne serait-ce pas tout simplement la trace de décarnation, ce qui est apparemment un phénomène assez connu des archéologues ( j’en ai vu encore un témoignage à l‘occasion d’un reportage diffusé en novembre sur ARTE, à propos de fouilles dans l’Altaï, scythes ou sakas, dans les tombes appelées kourgane ) ?

Mais j’ avoue que face à l’objet je n’ai plus guère pensé à ce qui pourtant au départ m’avait poussé à aller au musée ( ces stries ou rainures qui semblent tant intéresser les scientifiques ) tant en effet cette phalange dégage une étrange et forte beauté qui laisse loin derrière soi tout autre sentiment.

Une beauté prenante : cette attitude redressée, sa porosité lumineuse, l’étirement organique de la matière visible sous les bosses supérieures, sa couleur de travertin chauffé au soleil.

Sa beauté certes, mais aussi son histoire.
Une fabuleuse histoire d’homme, de regard.

Car il s’agit d’une phalange de renne, d’une simple et si ordinaire phalange que le regard d’un être humain – homme ou femme – a transformée par la seule force créatrice de son regard, en une œuvre qu’à l’époque peut-être mais qu’aujourd’hui sûrement nous ne pouvons que qualifier d’œuvre d’art.

C’est le ready-made de Marcel DUCHAMP : l’œuvre n’existe que par le regard ***.

Comment un jour, l’homme, tenant en main une telle chose qui n’était que bout d’os à jeter, vit que ce morceau d’os était aussi autre chose ????

Comment arriva-t-il un jour à y voir torse humain, et comment put-il alors, - ce que personne n’avait jamais osé jusque là - donner à ce bout d’os le statut de torse humain, ne plus le regarder que comme tel , puis faire partager sa vision et sa création par le groupe tout entier ??

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Sans doute faudrait-il encore s’assurer que cette phalange n’a pas été retravaillée, précisément pour en accentuer l’aspect anthropomorphique.

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