les copies et l'image de l'art

les copies et l'image de l'art


 

 

J’ai toujours eu une aversion pour  la copie. Très jeune , plutôt que de garder les reproductions ou acheter des posters, j’avais ( pour le même prix mais en cherchant un peu )  des originaux : c’est ainsi que très vite, je me suis rendu compte qu’il était possible de vivre entouré d’œuvres originales : un dessins anonyme,  des gravures sans intérêt parfois, lithos, peintures à l’huile trouvées dans des rebuts ou achetée aux puces pour quelques francs . Mais rien que des œuvres originales, aucune copie ni reproduction, pas nécessairement belles mais forcément intéressantes.

L’authentique au prix du toc.

 

 

Il y a au Musée du Vatican un torse antique ( torse et cuisses ) en marbre blanc  connu sous le nom  Torse du Belvédère  .

C’est une œuvre originale du 1er siècle avant JC d’un athénien qui l’a signée.

Il s’agit donc d’une œuvre grecque originale, et non, malgré l’époque tardive, de l’une de ces copies romaines qui abondent partout, y compris dans ce même Musée, comme par exemple l’Appollon du Belvèdére.

 

L’Antiquité romaine  en matière de sculpture   nous a  surtout donné des copies d’originaux grecs - souvent de Pergame - originaux d’ailleurs  le plus  souvent perdus.

Ces copies montrées dans les Musées peuvent être d’excellente facture – même si l’une des caractéristiques semble être que  les Romains manquant souvent  de l’habilité propre aux grands Grecs, appuyaient habituellement   leurs sujets sur quelque artifice comme un tronc ou une branche.

 

Mais ce sont des reproductions ,  le but avoué  étant d’ailleurs d’être au plus près de l’original.

 

L’art romain nous a heureusement livré des œuvres originales et, sans vouloir parler ici des peintures , fresques et mosaïques pour lesquels ils subsistent d’authentiques chefs-d’œuvre  ( lesquels sont des œuvres originales dans le sens où il ne semble pas qu’elles fussent tirées de l’art grec )  puisque je me borne à la sculpture,  il faut évidemment parler, entres autres, des extraordinaires bustes qui sont autant de portraits réalistes  ( ils abondent au Musée National  Romain par exemple ), et les frises en haut-reliefs comme celles de l’Arc de Titus au Forum ou de l’Ara Pacis  à Rome.

 

Mais je reviens au Torse du Belvédère.

 

Voilà donc une œuvre sculptée par un Athénien au 1er siècle, c’est-à-dire à une époque où la Grèce faisait partie du monde romain. Est-ce une œuvre grecque ou romaine ?

 

Les portraits du Fayoum réalisés en Egypte par des grecs venus s’y installer sont-ils grecs ou égyptiens (  aux 1ers siècles de notre ère, l’Egypte était province romaine, et ces portraits furent peints par des artistes grecs dont la colonie s’était établie dans la région du Fayoum ; ces artistes avaient repris une technique naturaliste issue de la tradition établie par le grand peintre grec du IVe siècle av. J.-C.,  Apelès de Cos  ). On les classe habituellement dans l’art égyptien.

 

 

Des conques gravées sur les bords de l’Asie Mineure ou  à Carthage  par des artisans phéniciens ( lesquels phéniciens se voient du reste reprocher  leur tendance à l’imitation et à la contrefaçon, mais c’est encore une autre histoire…)  qui s’y étaient installés sont classés  dans l’art phénicien, de même, semble-t-il,   lorsque ces  mêmes coquillages  furent  réalisés par des  carthaginois formés par des artisans phéniciens mais mis dans le commerce par les Phéniciens…

 

Le Torse  du Belvédère – du 1er sièce a.c.n. ,  j’y insiste,  réalisé  sur le sol de la République Romaine -  ne peut être romain…Quelque chose de profond  en nous s’y oppose…La puissance de l’originalité de l’œuvre, sa qualité exceptionnelle  ( qui ont fait  l’admiration de  Michel-Ange et de Picasso ) ?

 

Etiquette…étiquette…

Le Torse du Belvédère est un chef d’œuvre, et à ce titre , il est universel : il n’y a que les guides, que les catalogues et les catalogueurs ( dont nous sommes malheureusement un peu tous, plus ou moins ) qui peuvent se faire du souci pour l’étiquette, le classement, la catégorie, l’origine…oui,  mais  on sait  aussi  que c’est un peu plus  compliqué : ne va-t-on  pas, par exemple,  se sentir  trahi si après avoir ressenti une véritable émotion devant une œuvre de Raphaël, on apprend  en  lisant l’étiquette qu’elle est une copie anonyme   ?

Un Musée sans  indication et sans étiquettes  ( allez, juste le temps de l’expérience  ) serait  insupportable…mais quelle délectation, quelle liberté,  quelle jubilation, quelle foire à la peinture …

 

 

 

 

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