OUI, Picasso travaillait vraiment...

L' exposition du Musée Picasso à Paris " PICASSO CUBISTE " ( jusqu'au 7 janvier 2008 )

montre incidemment, -même si ce n'est pas là le propos de l'exposition -, que Picasso travaillait, cherchait, essayait, peinait, hésitait - bref qu'il était à cet égard un homme normal, loin de celui qui proclamait ( plus tard, c'est vrai ) " je ne cherche pas, je trouve "...

L'exposition met en évidence le fait qu'à partir des années 1905 et 19O6 Picasso se mit à chercher un nouveau langage plastique.
Il avait été impresionné par le travail de Gauguin, ses bois sculptés, et , bien avant d'avoir eu le choc que l'on sait en présence de l'art africain ( on disait l'art nègre, à l'époque ) , il découvrit exposées au Louvre en 1906 les trouvailles archéologiques de la civilisation ibère faites lors des campagnes de fouilles à Osuna ( Andalousie ) et au Cerro de los Centos.

J'ai recherché ces objets Ibères au Louvre; ils n'y sont pas; il n'y en a du reste aucun, pas même ( cf banque de données Atlas ) dans les réserves. Quelques statuettes sont au Musée d'archéologie de St Germain en Laye. Mais j'ai découvert que le Musée Picasso lui-même possédait une dizaine d'objets ibères qui ont appartenu précisément à Picasso, que je n'ai jamais vu exposés, et qui sont dans les réserves. Il s'agit de petites statuettes en bronze, des orants, et des orantes.
J'ai personnellement un peu de mal à croire que de tels objets, peu significatifs m'a-t-il semblé, aient pu impressionner Picasso et l'influencer dans ses choix ou options. Je crois plutôt que Picasso les a acquis parce qu'ils étaient ibères, lui qui à cette époque était déjà installé à Paris, au bateau-lavoir de Montmartre.

Ceci - autre incidente - m'amène à me demander s'il n'y a pas là quelques éléments de réponse ténus à l'une des questions que je me pose depuis longtemps sur Picasso, à savoir celle de la qualité de son rattachement à l'Andalousie, sa tierra, ses racines - et la manière dont il le vivait concrètement. Il a peu livré, me semble-t-il, sur ce sujet et ce n'est pas l'exposition précédente du Musée Picasso ( intitulée je pense " Carmen " ), bien peu consistante à cet égard, qui a pu apporter le moindre élément de réponse.

Je ferme ici cette parenthèse, sur un sujet auquel je pense je reviendrai tant je le trouve intéressant.

Tout comme, toujours à propos de Picasso, je trouve fort intéressante la question de son empathie - que certains comme Gertrude Stein par exemple trouvent tellement présente et tellement manifeste -, et qui pour moi est bien muette, comme absente , -témoin, globalement, cette espèce d'absence face au monde dans lequel il a vécu, les décès de ses proches ( si l'on excepte peut-etre le suicide de son ami CASAGEMAS en 1901 ) , la mort d'Apollinaire par exemple, la guerre de 40 ( si l'on excepte évidemment , mais dans quelle mesure justement ? Guernica ) -.

Je ferme ici aussi cette autre parenthèse, mais y reviendrai...

Après le choc que lui causa la découverte de la civilisation ibère, Picasso, l'année suivante, fit au Trocadéro la découverte de l'art nègre et ce choc fut plus déterminant.

Il faut revenir sur ses propos, car on dit trop de choses, on l'on commente sans assez connaître la vérité historique.

MALRAUX, dans son ouvrage " la Tête d'Obsdienne " rapporte les propos de Picasso . Je ne peux malheureusement pas les retranscrire tels quels ici car je ne les ai pas notés, mais pense pouvoir ne pas trahir la pensée de Picasso en les résumant ainsi.

Il se rend compte que les masques notamment sont là pour protéger, qu'ils sont contre le mal, contre la maladie, contre les peurs...Contre...Contre...dira-t-il et il décide que lui aussi, comme eux, il est contre...il sera contre...contre tout. Il ajoute alors " les Demoiselles d'Avignon sont nées alors...pas à cause des formes, mais parce que c'était ma première toile d'exorcisme, oui...".

Ceci est fort intéressant, et à plus d'un titre, et nous oblige à revoir certaines de nos convictions.

On voit d'emblée dans de tels propos qu'il s'agit là de la manière dont Picasso a ressenti et a traduit aussitôt dans un langage qui lui convenait, la portée de cet art primitif pour l'assimiler à sa façon; il dit en effet : il est contre tout, et, dans une synthèse ou un amalgame un peu enfantins, il va ajouter que lui aussi il est et sera contre tout...

Il utilise donc le fait que cet art serait " contre tout " pour affirmer que lui aussi " il est contre tout ", et y trouver une sorte - on le sent bien - de révélation....

Peu importe que ce type de raisonnement ou de ressenti soit fait contre toute espèce de sens logique, qu'il soit même hors de tout sens commun ( quelle confusion simpliste en effet ainsi que celle qui consiste à faire un tel amalgame à propos du fait d'être " contre " ), l'essentiel à considérer est que ce soit ainsi que les choses se soient enclenchées...et les Demoiselles d'Avignon étaient nées...!!! Enfin, plus exactement, allaient naître pusiqu'à partir de là, -et je reviens à l'exposition qui l'illustre si bien - , Picasso va se mettre à travailler, faire des croquis, chercher...Il va utiliser entre autres des photos et cartes postales ethnographiques, il achète alors deux têtes ibères en pierre, et fera quantités de dessins et peintures qui détailleront et détourneront différents motifs dont les demoiselles d'Avignon se feront ensuite l'écho. Les commentaires donnés à l'exposition même précisent que la première version des Demoiselles sera " ibérique " et sera sans doute terminé fin avril 1907 mais fut repris et repeint en juillet 1907 dans sa partie droite.

Picasso a beau avoir affirmé que les formes de l'art nègre n'étaient pas ce qui l'avait conduit aux Demoiselles, ce fut toutefois bien dans cette direction et sous cet égide qu'il entreprit toutes ses recherches et qu'il établit les fondements de ce qui allait conduire à la naissance du cubisme.

L'exposition se poursuit, au fil des années jusqu'en 1924.

Nombreux tableaux venant de l'étranger ( Moma, Texas, Barcelone, Madrid ) et de collections privées.

Courrez....